Actualités · Regain d'optimisme sur l'immobilier

Par , l'express publié le

 

Après trois ans de crise, le marché se réveille doucement, comme en témoigne le retour des acheteurs dans les agences et les bureaux de vente. Mais, si ce rebond de l'activité augure une réelle embellie, la confiance n'est pas encore restaurée, et la reprise, toujours pas au rendez-vous. 

Regain d'optimisme sur l'immobilier

L'éclaircie, réelle et palpable, sur le marché immobilier est essentiellement due aux investisseurs.

AFP PHOTO/CLAIRE LEBERTRE

Si ce n'est pas le printemps, cela lui ressemble furieusement. En ce mois de mars 2015, il souffle sur le marché immobilier un vent d'optimisme qui pousse les acheteurs à faire à nouveau des projets et à reprendre avec entrain le chemin des agences. Pour Jean-François Buet, président de la Fédération nationale des agents immobiliers (Fnaim), "l'envie des Français de voir le bout du tunnel" s'est brusquement réveillée après le tragique épisode de Charlie Hebdo, se manifestant par un désir de reprendre sa vie en main et de ne plus renoncer à ses rêves. 

Une embellie constatée dès la fin de l'année 2014 dans le neuf. Pour la première fois depuis longtemps, ce secteur enregistre une hausse de 14,6% du nombre de ses ventes, par rapport au quatrième trimestre 2013, selon la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI). Même effervescence inédite dans l'ancien. "Nous avions pris l'habitude d'une activité très réduite l'hiver. On ne s'attendait donc pas du tout à un tel rebond", s'étonne Stéphane Atlan, directeur des agences Royalimmo de la capitale.  

Une effervescence qui n'a pas non plus épargné la demande de crédits : celle-ci a crû de 12,5% en janvier, selon Michel Mouillart, professeur d'économie à Paris-X Nanterre. Mieux, chez les courtiers, c'est le rush : le courtier Cafpi a enregistré une progression de 50% de sa clientèle en janvier et en février 2015 par rapport à la même période en 2014, au point d'avoir un mal fou à traiter tous les dossiers ! 

Le phénomène n'est pourtant pas si surprenant. Après trois ans d'inquiétude, entretenues par une situation économique morose et un chômage de masse, les Français se demandent si, cette fois-ci, ce n'est pas le bon moment pour s'engager. A bien y réfléchir, "toutes les planètes sont alignées", affirme Alain Dinin, PDG de Nexity : les taux (non déflatés) n'ont jamais été si bas -du jamais-vu depuis soixante-dix ans, selon Bruno Deletré, directeur général du Crédit foncier-, les soutiens publics sont revenus, et les prix ont baissé de 7% depuis 2011, parfois même beaucoup plus dans certaines régions. 

Il a fallu à peine quinze jours à ce quadragénaire pour vendre 800 000 euros son 90-m2, situé près de la porte de Versailles, dans le XVe arrondissement de la capitale. Cette transaction n'aurait jamais été possible voilà un an : à cette époque, les appartements familiaux ne partaient plus, ou seulement après de long mois de négociations. 

Frémissement dans l'ancien

Comme beaucoup d'autres, le propriétaire a profité du frémissement dans l'ancien, observé dans toutes les agences immobilières : le réseau Guy Hoquet, par exemple, a enregistré un accroissement de ses visites de 57 % entre janvier 2014 et janvier 2015. "Le marché reprend incontestablement des couleurs", se félicite Fabrice Abraham, son président. 

Avec une amélioration sur presque tous les types de biens. "Pour la première fois depuis des années, les studios, 2-pièces et 3-pièces se vendent beaucoup mieux, y compris ceux nécessitant des travaux", observe Nathalie Naccache, directrice des agences Fortis Immo de Paris. Les secundo-accédants, ces propriétaires qui revendent pour acheter, reviennent aussi en masse : "Ils se sont retenus pendant des années. Aujourd'hui, ils se lâchent", relève Stéphane Atlan. Avec raison. "Ceux qui veulent s'agrandir sont les grands gagnants de la conjoncture puisque les mètres carrés supplémentaires deviennent moins chers à acquérir", analyse Roger Abecassis, patron de Consultants Immobilier. 

Dans le neuf, jusqu'en octobre 2014, le secteur baignait dans le marasme, avec des chutes vertigineuses des ventes. Depuis la fin de l'année dernière, des centaines de clients motivés se pressent, cha que week-end, dans les bureaux de réservation. Ils se précipitent de plus en plus sur les programmes à prix serrés -à 3 200 euros le mètre carré- comme ceux de Kaufman &Broad, à Saint-Ouen-l'Aumône (Val-d'Oise) ou à Perpignan (Pyrénées- Orientales). De quoi redonner espoir aux professionnels : "La reprise est à notre portée, même si elle demeure fragile et à confirmer", affirme François Payelle, président de la FPI, qui table sur au moins 10 000 ventes supplémentaires pour 2015. 

Cette éclaircie, réelle et palpable, est essentiellement due aux investisseurs. Autant ils restent absents du marché de l'ancien, autant ils tirent, depuis trois mois, le neuf. Séduits par le dispositif Pinel, en vigueur depuis le 1er septembre 2014, rassurés par les propositions et la bonne volonté du gouvernement, ces acquéreurs, désireux de placer leur argent pour assurer leur retraite, effectuent un retour remarqué et redonnent de l'oxygène au secteur. En moins de cinq ans, leur part dans les achats était tombée de 65% à 35%. 

Aujourd'hui, les voyants sont au vert. Les taux sont attrayants : "Entre 2 et 2,3%, c'est presque du crédit gratuit. Ce serait dommage de ne pas en profiter !" s'exclame Philippe Taboret, directeur général-adjoint de Cafpi. A ce niveau, en tout cas, ils resolvabilisent certains candidats à l'accession. Sébastien de Lafond, président de MeilleursAgents.com, estime le gain de pouvoir d'achat immobilier à environ 16 % depuis juillet 2011. Pour un prêt sur vingt ans, accompagné de mensualités à 1000 euros, l'emprunteur peut obtenir aujourd'hui 193000 euros, contre 162000 euros en juin 2012. 

Même si les prix restent élevés, leur lente érosion (-2% en 2014, selon la Fnaim, et autant prévu pour 2015) commence à compter. D'autant que les grands bastions commencent, eux aussi, à tomber. Après avoir tenu trois ans, Paris enregistre ainsi "une petite accélération de la baisse", selon Thierry Delesalle, représentant de la chambre des notaires d'Ile-de-France. Avec une chute de 3,5% en un an, le mètre carré moyen passe sous la barre des 8000 euros, pour atteindre 7 840 euros.  

Phénomène analogue en Ile-de-France : à Palaiseau (Essonne), il dégringole de 13,5%, à l'image de Pontoise, dans le Val-d'Oise (-15%) ou encore Versailles, dans les Yvelines (-4,6%). En province, à Marseille (Bouches-du-Rhône), il recule de 1,9%, à Lille (Nord) de 3,5%, à Montpellier (Hérault) de 4,2%, ou encore à Rouen (Seine-Maritime) de 6,2%. Tandis que Roanne (Loire) décroche davantage (-8,1%), tout comme Beauvais, dans l'Oise (-9,9%). 

Des acheteurs opportunistes

Cette décrue -plus ou moins lente- va sans doute se poursuivre et s'accentuer, grâce au changement d'attitude des vendeurs. "Cette fois, ils ont vraiment intégré la baisse", assure Laurent Vimont, président du réseau d'agences Century 21. Même les plus récalcitrants d'entre eux, préférant jusqu'ici garder leurs biens plutôt que de se résoudre à abaisser abaisser leurs prétentions, jouent désormais volontiers le jeu en les confiant aux agences. Au juste prix.  

Témoin, cette sexagénaire : après dix-huit mois d'attente, elle a enfin accepté de baisser de 5 à 4,3millions d'euros le prix de sa somptueuse maison de 470 m2, située dans le XIe arrondissement de Paris. A Saint-Tropez, un couple, contraint de quitter la région, a cédé un 90-m2, doté d'une terrasse de 50 m2 sur la mer, pour "seulement" 800 000 euros. Au grand étonnement de l'acheteur, ravi de bénéficier d'une telle occasion ! 

Mais il faut se garder de tout triomphalisme excessif. Le marché, même stimulé par des acheteurs opportunistes, reste difficile à appréhender, hésitant à redémarrer franchement. Une catégorie d'acheteurs notamment, essentielle à la bonne santé du secteur -les primo-accédants-, n'est toujours pas au rendez-vous. Désolvabilisée par la hausse des prix et l'abandon des soutiens publics -comme le PTZ dans l'ancien-, elle a disparu des radars des grandes villes et de leurs périphéries. L'hémorragie est particulièrement importante dans le secteur de la maison individuelle, sinistré depuis 2012 : "Ces acquéreurs représentaient 70% de notre clientèle en 2009. Aujourd'hui, ils ne sont plus que 35%", déplore Christian Louis-Victor, président de l'Union des maisons françaises (UMF). 

En plus des prix élevés, les jeunes couples souffrent de conditions de crédit plus difficiles. Non seulement les banques exigent un apport important, mais elles réduisent aussi la durée du prêt : pour se lancer dans la course à l'accession, les ménages modestes ont pourtant besoin d'emprunter sur vingt, vingt-cinq voire trente ans. Ce n'est plus la mode. Seuls quelques jeunes aidés par leur famille, ou des habitants des petites villes de province, bénéficiant à plein du PTZ dans le neuf, s'aventurent encore sur le marché. Cela fait bien peu de monde. 

Or, "sans les primo-accédants, le marché tourne en rond avec les mêmes propriétaires, qui changent d'appartement tous les cinq ou sept ans", estime Olivier Eluère, économiste au Crédit agricole. Et, si les 720 000 transactions, enregistrées en 2014, suffisent à faire tourner plus ou moins bien le marché, la fluidité ne pourra jamais, en les excluant, se rétablir complètement. 

"La reprise n'est donc pas encore là", affirme Guy Nafilyan, PDG de Nafilyan & Partners. "2015 sera peut-être une année de sortie de crise, mais il faut encore confirmer ces tendances", ajoute Michel Mouillart. Ce n'est pas gagné : la conjoncture continue à plomber le marché immobilier. 

"A la fin des années 1990, il avait fallu retrouver une meilleure situation économique et une baisse durable du chômage, avant de constater un vrai redémarrage. Nous n'en sommes pas là", affirme Olivier Eluère. Les perspectives de retour de la croissance et le reflux des demandeurs d'emploi depuis un mois n'y font pas grand-chose. "Tant que la confiance ne sera pas intégralement restaurée, rien ne se passera", conclut Bernard Cadeau, président du réseau Orpi. 

Des prix surévalués de 10 %, voire de 15%

En outre, les prix n'ont pas encore suffisamment baissé pour déclencher un mouvement de fond : si les biens de qualité "ont peu de chances de descendre davantage", dixit Charles-Marie Jottras, président du groupe Daniel Féau, le reste du parc -soit les trois quarts des logements- doit continuer à s'ajuster. Bien sûr, dans certaines villes européennes et américaines, les prix s'envolent aujourd'hui mais ces grandes métropoles ont purgé leurs excès passés.  

Rien de tel en France, où les prix demeurent surévalués de 10%, voire de 15%, selon l'économiste du Crédit agricole. Une estimation à taux de crédit constant. Car si, par malheur, ils remontaient, "les prix pourraient dégringoler de 25%", prévient Sébastien de Lafond. Heureusement, "un tel scénario est peu probable avant la fin de 2015 ou le début de 2016", croit savoir Philippe Taboret. 

Malgré le retour franc des acheteurs en 2015, il n'y aura "ni effondrement ni redémarrage fulgurant", souligne Bernard Cadeau. Et la baisse des prix devrait continuer cette année à osciller entre 0 et 3%, estime Sébastien de Lafond. D'ailleurs, pour la plupart des professionnels, comme Alain Dinin, "la reprise pourrait plutôt avoir lieu en 2016", avec le retour d'une plus grande fluidité, suivi sans doute d'une légère augmentation de prix, excluant toute flambée. 

En attendant, même si l'environnement reste incertain, les acquéreurs ont intérêt à se mettre à chercher le logement de leurs rêves. Les agences ont regarni leurs portefeuilles de studios, 2-pièces et 3-pièces. Les investisseurs, dans l'ancien, boudent encore les petites surfaces par crainte de la loi sur l'encadrement des loyers. Quant à la clientèle étrangère, elle ne surenchérit plus sur les grands appartements. Il ne faut donc plus hésiter. Les acheteurs, exigeants et experts, ont encore la main, dictant leur loi aux vendeurs. 

Même si, prévoit Charles-Marie Jottras, "le rapport de forces risque de se rééquilibrer prochainement". Gare, cependant, à ne pas (trop) céder aux coups de coeur ni à choisir des biens présentant de gros défauts, comme la plupart des rez-de-chaussée, des logements sombres ou bruyants, dont la revente sera difficile. Les bonnes affaires ne manquent pas. Tels ce sublime appartement de 120 m2, place des Abbesses (XVIIIe arrondissement de la capitale), vendu en deux jours 1,1 million d'euros; ce 86-m2 de caractère, acheté 600000 euros dans le Xe arrondissement de Paris ; ou encore cette grande maison avec jardin, située au coeur de Marseille, cédée pour à peine 420000 euros. Pour certains, ce printemps pourrait bien être une saison en or.  


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